Par Anne Pichon, médiateur
La différence essentielle entre le coach et le médiateur est que le coach s’intéresse à la personne, qu’il accompagne, alors que le médiateur s’intéresse uniquement à la relation qu’il tend à renouer. Peut-on être les deux à la fois ?
Après 30 années d’exercice de la profession d’avocate, je suis devenue médiatrice. J’ai alors cessé d’être avocate. En tant qu’avocate, j’ai souvent recherché pour mon client une solution amiable. Cette négociation avec le confrère de la partie adverse, pour aboutir à une transaction, n’a pas fait de moi un médiateur. La médiation repose sur la présence des parties et le nécessaire dialogue qui doit s’instaurer entre elles. Dans une négociation, le client est généralement absent. On discute entre confrères et parlons le même langage. Dans une médiation, pour renouer le dialogue le médiateur doit être à l’écoute de chacune des parties, qui n’ont pas nécessairement les mêmes codes de communication.
Le médiateur doit donc amener les parties à s’écouter. Le médiateur ne donne jamais son avis sur la règle de droit. Si ma connaissance du droit me donne une légitimité à me comporter comme un « aviseur » en avançant une recommandation que je juge sage, les parties ont l’entière liberté dans leur décision de la suivre ou non. Dans les négociations entre avocats, la règle de droit est toujours présente et j’ai été parfois amenée à imposer à mon client une solution négociée avec le confrère adverse.
En devenant médiateur, j’ai changé de costume. J’ai lâché le verbe pour l’écoute. J’ai oublié le droit pour me consacrer à la solution. J’ai abandonné mon désir de vaincre.
Depuis j’ai rencontré des coach médiateurs et je me suis demandée si on pouvait être les deux à la fois.
Qu’est-ce qu’un coach ?
Sur le site https://generation-coaching.com/que…, il est écrit : « L’origine du mot « coach » vient du vieil anglais. Autrefois, ce mot désignait alors un carrosse destiné au transport des passagers, qui les transportait d’un point de départ à un point de destination. Le coach vous accompagne de là où vous êtes à là où vous voulez aller. De là où vous êtes à là où vous n’êtes jamais allé, ou encore de là où vous êtes, à là où vous n’auriez jamais cru possible d’aller. La plus grande confusion, c’est de penser qu’un coach est là pour vous dire quoi faire et comment le faire. Son rôle est plutôt de vous aider à faire émerger vos propres solutions, de vous faire découvrir votre propre vérité. A travers l’objectif que vous vous fixez, vous êtes le seul à décider de votre propre mouvement, de votre avancée, de la route que vous allez emprunter ou non. Le coach estime que vous êtes l’expert de votre propre vie, que vous avez déjà en vous toutes les réponses à vos questions. »
Qu’est-ce qu’un médiateur ?
Le médiateur est le « tiers » neutre, impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel ou consultatif visé par les textes sur la médiation.
La Médiation est un processus structuré reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants qui, volontairement, avec l’aide du médiateur, favorise par des entretiens confidentiels, l’établissement et/ou le rétablissement des liens, la prévention ou le règlement des conflits.
Le coach et le médiateur ont tous les deux un rôle d’accompagnateur et l’un comme l’autre aide à l’émergence d’une ou plusieurs solutions.
La différence essentielle entre eux est que le coach s’intéresse à la personne, qu’il accompagne, alors que le médiateur s’intéresse uniquement à la relation qu’il tend à renouer.
C’est une différence essentielle qui me porte à penser qu’il est difficile d’être coach et médiateur à la fois.
En effet, le médiateur coach peut avoir tendance à vouloir s’intéresser à la personne alors que c’est uniquement à la relation qu’il doit se consacrer.
Comment faire en sorte que deux personnes, qui ne se parlent plus, alors qu’elles doivent, de fait, continuer à vivre ensemble, travailler ensemble, se côtoyer, renouent le dialogue ?
Comment amener deux ou plusieurs personnes à lâcher les armes ? A sortir de cette pensée « j’ai raison, il a tort » ?
Pour pouvoir avancer dans le processus, le coach comme le médiateur doivent être en mesure de créer un climat de confiance et leur posture personnelle sur ce point est la même.
Cependant dans une médiation, la confiance qui se noue au départ entre les parties et le médiateur, confiance sans laquelle les parties n’accepteront pas de confier leurs différents à ce tiers qu’elles ne connaissent pas, doit progressivement se déplacer vers les parties.
Au commencement du processus de médiation les parties sont souvent incapables de se parler voire de se rencontrer. Le médiateur se positionne alors, en face à face, avec chacune des parties et leur donne les clefs pour « libérer leur sac ». Le but de cette première phase est non seulement de comprendre les causes, l’origine du litige, mais également de libérer la parole.
Sur ce point le coach et le médiateur se rejoignent car tous deux ont pour mission première de libérer la parole. Cependant sur ce point encore il existe une divergence importante.
Le processus de médiation est enfermé dans l’écrin de la confidentialité.
Le médiateur est comme un prêtre et ne peut en aucune façon révéler ce qu’il a entendu.
Le médiateur doit donc amener l’une et l’autre des parties à mettre des mots sur les causes du conflit et à désigner verbalement tout ce qui nuit à la relation avec l’autre. Il intervient comme un accoucheur des besoins réciproques non satisfaits de chacune des parties à l’origine du conflit. Sur ce point encore la posture du médiateur se rapproche de celle du coach. Cependant, si le coach accompagne son client pour lui permettre d’aller là où il veut aller, le médiateur doit se garder d’accompagner l’une ou l’autre des parties dans une direction qui lui conviendrait mais qui ne serait pas de nature à renouer le dialogue et la relation.
Le processus de médiation permet une compréhension réciproque des comportements et des besoins de chacun pour finalement faire cheminer les parties jusqu’à l’élaboration de leur solution. C’est pourquoi la restauration du dialogue constitue un élément déterminant tant du processus de médiation que de son résultat.
Pour restaurer le dialogue la confiance partie/médiateur doit se déplacer vers partie/partie et le médiateur doit donc progressivement s’effacer.
Le médiateur doit donc amener les parties à ce jeu de bascule de la confiance.