Eloge du flou

La médiation peut se revendiquer du flou, non parce qu’elle manquerait de substance mais parce que le flou, au contraire de la netteté qui se perd dans les détails, permet de percevoir l’essentiel …  Les peintres et les photographes utilisent ce procédé : plisser des yeux permet de capter les ombres et la lumière, les formes qui structurent et qui fondent le paysage. Cette vision floue est aussi une mise à distance, une façon de ne pas mettre la pression et d’approcher l’autre de façon légère. Le mystère de la Joconde n’est pas seulement dû à son énigmatique sourire mais aussi à la technique du sfumato, inventée par Leonardo da Vinci. C’est un effet vaporeux, obtenu par la superposition de plusieurs couches de peinture extrêmement délicates, qui donne au sujet des contours imprécis et donne de la profondeur au tableau. Il n’est d’illimité en art que le flou, le vague, le confus, écrivait Romain Rolland.

Le net montre tout, jusqu’au détail les plus fin. Mais justement, le détail ne permet pas de voir le tout. Le détail désarticule l’ensemble, lui fait perdre sa cohérence. De plus, le net tranche ; il est dur, sans concession ; il exige qu’on choisisse un côté ou l’autre de la limite. Il n’y a pas de moyen terme. Il forme une barrière qui ne permet pas l’échange.

Dans le flou, les bords s’estompent, se diffusent et s’effacent doucement jusqu’à ce qu’on ne sache plus si on est encore dans le plein ou déjà dans le vide. Le flou ne heurte pas, il est léger, il caresse et ne blesse pas. Les corps flous lorsqu’ils s’approchent, ne se cognent pas : ils s’effleurent et glissent grâce à cette zone frontière incertaine, qui n’appartient ni à l’un ni l’autre (le no’mansland).

Cette zone floue permet la connexion et  l’échange.

Le médiateur en début de médiation est face à du net, à des positions tranchées. Le conflit est souvent dur. Son art va consister à adoucir les bords tranchants, à rendre les choses floues pour faire émerger l’essentiel.

Du flou surgit la clarté en quelque sorte …

 

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